Quand je t'ai rencontré, tu étais encore un jeune CRS moulé dans son uniforme serré. D'une beauté à faire peur avec ton casque et puis ton bouclier. Tu m'as chargé très fort, dès notre première rencontre.
Et c'est là, dans ce choc salutaire que j'ai vraiment senti ta détresse ...
Ce masque sans visage, cette policitude-grise bleutée, cet oubli de soi dans la charge, c'était ta manière à toi de crier ta terreur.
Ces marques sur mon corps, cet acharnement sans faille à terrasser, ces grands coups de talon dans la taille, tout cela, c'étaient de grandes phrases pour m'encourager.
Couché sur le gravier, que tu m'avais fait embrasser pour être sûr que je ne puisse perdre aucun détail sur la façon de prendre ton pied, j'ai pris pitié. Oui, je le reconnais, j'ai pris pitié de ta douleur à t'exécuter dans cette tâche terrible et assommante qui est celle de dresser l'humain fragile et détestable que j'étais.
J'ai remué, je me suis débattu pour t'aider. Je t'ai même un peu craché dessus. Ce n'était qu'un peu d'eau dans tes yeux, mais cela t'a permis de continuer à frapper sans me voir, à l'aveugle. Grâce à cela, tu ne t'es même pas rendu compte que plus que dans mon sang, tu essayais de me noyer dans le désespoir de n'être que führer ...
Comme lui, tu voulais me sauver, arracher ma lumière à l'immonde. Détacher par lambeaux ce corps qui me retenait d'un monde où tu pensais me voir prisonnier. "Va t'en" me hurlais tu, "rentres dans ton pays, ici le paradis a un goût d'enfer". Oui, tu voulais me sauver et je ne comprenais pas. J'étais idiot, toi tu savais.
Tu étais l'instrument dans les mains du maitre invisible, du forgeron des âmes. Tes cris n'étaient pas les tiens, tu étais son esclave asservi, le jouet qu'il manipulait du haut de sa géniale folie. Il me forgeait et dans le même temps offrait ma souffrance à ton éducation.
Aujourd'hui, j'ai compris, je te regarde sans haine, sans rancune et même sans pitié. Je te regarde tel que j'étais il y a longtemps, quand je n'étais pas encore né.
Crédit photo : Daria Palotti - Muse : Moni Grego
lundi 28 juin 2010
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